Le Soleil de Québec

Publié le 16 août 2011
 
L’horizon penche et bascule, dans les plus récentes oeuvres de Louis-Pierre Bougie. Toujours peuplées de bonshommes mi-gouttes d’eau mi-feuilles, les gravures et les toiles hybrides de l’artiste sont exposées sur les murs de la Galerie Lacerte jusqu’à la fin du mois.
L’exposition Horizons incertains porte bien son nom. On ne sait trop si les peuplades de Louis-Pierre Bougie se lovent en apesanteur ou sont écrasées par le poids du monde. Elles dégringolent, se nouent, se régénèrent avec une surprenante souplesse. Avec une certaine tristesse aussi, amenée par les gris, les bleus délavés et les kakis. Lorsqu’il en parle, Bougie compare ses humains aux feuilles, et souligne que les deux entités suivent le cycle des saisons. Naissance, vie et mort : l’éternel recommencement.

L’aile droite de la galerie accueille des oeuvres composites, faites de languettes de papier collées une à une, comme pour former une courtepointe aux coutures invisibles, peintes à l’acrylique puis passées sous presse. Selon la densité de la peinture, des zones opaques ou semi-transparentes sont créées. L’artiste les retouche parfois au pinceau, notamment en ajoutant du blanc, qui donne une belle luminosité aux compositions plus glauques. «C’est une sorte de figuration tapissée, si on veut», indique-t-il.

Vues de loin, les oeuvres semblent presque abstraites, mais vues de près, elles fourmillent de personnages, d’objets rocheux (qui ont quelque chose du monolithe, mais du robotique, aussi) et de petites scènes. Nées à la suite d’un séjour au studio du Québec à Buenos Aires (en 2007), les oeuvres tiennent autant de la mosaïque que de la tapisserie friable.

Dans l’aile gauche, on a placé quelques toiles, mais surtout trois magnifiques eaux-fortes : Ciel perforé, L’arbre noir et une oeuvre sans titre. On reconnaît le talent du graveur qui a inspiré nombre d’artistes (dont la chorégraphe Dominique Dumais et le romancier Hugues Corriveau). Toutefois, lorsqu’on lui en parle, Louis-Pierre Bougie chasse ces souvenirs de la main… On ne contrôle pas ce qu’on inspire aux autres.

Clou de l’expo

Le clou de l’exposition, si on peut dire, est une oeuvre intime, le livre d’art Les mots griffonnés, qui comprend des textes de Michel van Schendel. «C’est un texte qu’il m’a donné avant de mourir, pour mon anniversaire, raconte Bougie. Il n’a jamais vu les gravures.» Torturés, dramatiques, les images et les mots nous happent. Quel dommage que cet art ne trouve pas davantage grâce aux yeux des collectionneurs d’ici.

Dans sa forme, l’exposition est similaire à Absence de bruit, que Bougie présentait à Lacerte en 2005. Un seul regret : on aurait bien aimé qu’elle comporte quelques sculptures de l’artiste, des tours faites de clous de chemin de fer. La prochaine fois, peut-être…